En amont de la question de l’identité sociale des gouvernants — Qui gouverne ? — et de celle des modalités pratiques et des instruments de la gouvernance — Comment gouverne-t-on ? —, il en est une autre, peut-être plus essentielle sur le plan théorique — Gouverne-t-on ? 1 — dont les réponses balisent divers ensembles d’analyse que l’on retrouve dans des disciplines différentes et pour des objets d’étude différents, notamment en philosophie, en sociologie, en histoire et en économie : peut-on identifier un type d’acteurs sociaux (groupe, catégorie, classe...), même variables selon les périodes et les configurations, gouvernant l’histoire politique, économique et technologique séculaire, les relations entre la société et l’État et les processus complexes de décision engageant l’action publique sur des temps pluri-décennaux ?
Cette formulation est la synthèse d’un questionnement qui peut se décliner sur deux échelles de temps :
- L’échelle chronologique de l’action publique, lorsqu’elle est analysée sur une ou quelques décennies d’histoire, dans des secteurs spécifiques, et dont on peut encore se demander si elle correspond généralement à des formes de processus émergents ou si elle est maîtrisée d’une façon ou d’une autre par certains acteurs sociaux au moins. L’alternative traverse le corpus bibliographique et les deux types de réponse peuvent être décrits par deux idéaux-types que l’on désignera ainsi : le schéma interactionniste et le schéma directionniste (Cf. Sous-section - Action publique étatisée : émergente ou maîtrisée ?).
- L’échelle chronologique des transformations de l’État démocratique au cours des XIXe et XXe siècles, marquées par l’industrialisation et de multiples transformations technologiques, idéologiques, culturelles, analysées sur le périmètre géographique de la France, et dont on peut se demander finalement si ces transformations ont été subies ou voulues. La même alternative réapparaît dans le corpus bibliographique qui peut être présenté également à partir des mêmes idéaux-types dits schéma interactionniste et le schéma directionniste (Cf. Sous-section - Transformations de l’État démocratique industriel : subies ou voulues ?).
- Le contrôle du changement d’échelle, par comparaison des corpus bibliographiques utilisés fait apparaître un enjeu scientifique important : celui de la division du travail et de la sectorisation des processus de communications et de constructions culturelles, observables sur temps longs et justifiant des analyses approfondies d’objets communicationnels sectorisés, construits de façon à pouvoir articuler les deux échelles et les deux schémas (Cf. Sous-section - Communications publiques et cultures : globales ou sectorielles ?).
- Sur ces deux échelles, la question initiale conserve un intérêt indépendamment des réponses que chaque auteur peut y apporter et, peut-être, moins pour ces réponses elles-mêmes que pour l’usage scientifique et didactique que l’on peut faire des deux schémas, ce qui nécessite de préciser leurs significations théoriques et les précautions à prendre dans leur usage (Cf. Sous-section- Interactionnisme, directionnisme (œcuménisme) : schémas de contrôles croisés).
Jérôme VALLUY‚ « Introduction - Gouverne-t-on ? Perspectives scientifiques et didactiques »‚ in Transformations des États démocratiques industrialisés - TEDI - Version au 9 mars 2023‚ identifiant de la publication au format Web : 15