Le nombre de fonctionnaires est le plus souvent utilisé pour analyser l’évolution des moyens de l’État. Il entraîne en effet une partie des dépenses publiques et reflète l’évolution des institutions administratives créées tout au long des deux derniers siècles. Néanmoins il ne donne qu’une indication sommaire qui ne saurait remplacer les approches socio-historiques de l’administration 1.
Les chiffres relatifs au nombre de fonctionnaires sont extrêmement difficiles à établir avec certitude du fait des variations de la notion juridique de fonctionnaire, des frontières fluctuantes entre État et collectivités locales et de la présence de personnels aux statuts atypiques (contractuels, vacataires, etc.). Ces difficultés expliquent les différences d’évaluation d’une étude à l’autre :
- Sur la première moitié du XIXe siècle les chiffres sont extrêmement variables selon les sources. Le préfet Vivien, souvent cité par les historiens, estime ainsi dans ses Études administratives 2 qu’il y a en France 250 000 fonctionnaires, alors que d’autres évaluations conduisent au chiffre de 150 000. Les différences proviennent alors de la difficulté à distinguer les fonctionnaires civils et militaires et à la comptabilité séparée du clergé qui est payé par l’État. S’agissant des seuls personnels civils, Louis Fontvieille les évalue à 75 000 personnes entre 1835 et 1875. Mais le bilan que dresse Pierre Rosanvallon dans son annexe sur « La croissance quantitative de l’État et son interprétation » 3 en utilisant diverses sources les situe autour de 200 000. Le nombre de fonctionnaires civils serait à peu près stable ou en croissance lente jusqu’au milieu du XIXe siècle.
- D’après Rosanvallon, qui trace une courbe d’
évolution approximative du nombre de fonctionnaires civils
, une nette augmentation peut être observée à partir de 1850 jusqu’à un plateau (stabilité ou croissance lente) de la courbe se situant à environ 500 000 fonctionnaires entre 1890 (environ) et 1940.
- Après la Seconde Guerre mondiale, la croissance du nombre de fonctionnaires est beaucoup plus rapide et continue jusqu’à aujourd’hui : on passe à environ 1 million dans les années 1950.
- On atteint les 2 millions de fonctionnaires civils dans les années 1970 pour se situer aujourd’hui autour de 2,5 millions. Mais si on élargit cette comptabilité à l’ensemble du secteur public, comme le propose André Gueslin 4, en incluant les services décentralisés et la plupart des entreprises publiques, l’estimation atteint un total de 4,5 millions de personnes en 1975, soit un actif sur cinq (un sur neuf étant rémunéré par l’État au sens étroit).
- Ces données en valeur absolue demandent aussi à être rapportées à la population totale. Même de ce point de vue relatif la croissance est continue puisque l’on passe de un fonctionnaire civil pour 200 habitants en 1815 à un pour 22 habitants à la fin des années 1970.
- D’autre part, l’augmentation du nombre de fonctionnaires évolue différemment suivant les départements ministériels, ce qui vient confirmer les transformations structurelles des dépenses publiques observée précédemment.
Années | Finances | Justice | Instruction pub. | PTT |
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Source : Pierre Rosanvallon 5
On voit notamment que le nombre de ceux qui dépendent des Finances ou de la Justice a seulement quadruplé de 1930 à 1984, alors que les effectifs de l’Instruction publique ont été multipliés par 25 durant la même période et ceux des PTT par 30.
Jérôme VALLUY‚ « Segment - L’augmentation du nombre de fonctionnaires »‚ in Transformations des États démocratiques industrialisés - TEDI - Version au 18 mars 2023‚ identifiant de la publication au format Web : 123