Si l’on parle de « troisième voie », c’est davantage sous la forme d’un fourre-tout où l’on place les doctrines tendant à la synthèse ou à renvoyer dos à dos libéralisme doctrinaire et socialisme étatiste.
C’est le cas du bonapartisme du Second Empire : Napoléon III est à la fois partisan d’un gouvernement fort et du libéralisme économique. Il prône une sorte de principe de subsidiarité qui exclut de charger l’État de ce que des particuliers pourraient faire eux-mêmes. Mais il ne partage pas l’hostilité contre l’État d’un Jean-Baptiste Say. Il considère l’État comme le moteur bienfaisant de l’organisme social et comme un instrument indispensable d’orientation. L’autoritarisme politique s’accompagne d’une forte tendance à la centralisation et d’un interventionnisme réel, notamment au plan local par l’intermédiaire de l’autorité préfectorale sur les communes.
Le solidarisme républicain de la IIIe République, porté par un large courant radical, procède du souci de trouver un moyen terme entre l’individualisme forcené du libéralisme économique doctrinal et l’horizon liberticide du socialisme collectiviste. Charles Renouvier (1815-1903) puis Léon Bourgeois (1851-1925) expriment cette doctrine, inspirée de la révolution de 1789 dont ils regrettent l’inachèvement, en appelant à ajouter la solidarité à la liberté et en défendant l’intervention de l’État au nom de l’idée sociale dans les limites de ce que permet la sauvegarde de la liberté. Ce courant s’alimente aux travaux d’Émile Durkheim puis de Léon Duguit qui expose les obligations positives de l’État défini comme une fédération de services publics. Le solidarisme républicain entend fonder la liberté et la solidarité sur l’aide, la tutelle d’un État protecteur et émancipateur ; cette doctrine annonce assez justement ce que sera l’État-providence beaucoup plus tard.
Le catholicisme social fait irruption en 1891 et 1903 comme un bouleversement de la politique pontificale. Le pape Léon XIII publie en 1891 un encyclique historique sur la question sociale, elle est intitulée Rerum Novarum 1. Tout en y réaffirmant la doctrine charitable traditionnelle, il ouvre la porte à une certaine intervention de l’État à qui il demande de réprimer les abus et écarter les dangers
, en matière de relations du travail, de protéger la communauté et ses parties
. Même si le successeur de Léon XIII, en 1903, modère les avancées de son prédécesseur 2, les partis de la démocratie chrétienne restent marqués durablement par cette doctrine sociale.
Jérôme VALLUY‚ « Segment - « Troisième voie » »‚ in Transformations des États démocratiques industrialisés - TEDI - Version au 9 mars 2023‚ identifiant de la publication au format Web : 106