C’est dans le mercantilisme, à partir du XVIe siècle, et dans sa traduction historique, le colbertisme, au XVIIe siècle, que s’épanouit la conception d’un État interventionniste.
Une des finalités du colbertisme est de protéger les industries naissantes notamment par des protections douanières établies notamment en 1664 et 1667 et dont l’esprit fut ainsi résumé par Colbert :
Réduire les droits à la sortie sur les denrées et les manufactures du royaume ; diminuer aux entrées les droits sur tout ce qui sert aux fabriques ; repousser par l’élévation des droits les produits de manufactures étrangères.
Dans le domaine intérieur, l’État entend jouer un rôle d’entraînement en intervenant dans les arsenaux, les manufactures ou les grandes compagnies : on pense à la nationalisation de la manufacture des Gobelins en 1662, au soutien à la création en 1664 de la manufacture privée des tapisseries de Beauvais et de la compagnie des Indes orientales... L’État intervient en réglementant les corporations, les manufactures et les procédés de production.
Le pouvoir royal s’est préoccupé aussi et très tôt de la question sociale.
Certes, il l’a fait d’abord dans une logique de maintien de l’ordre public (État-gendarme) menacé par le vagabondage et la mendicité liés à la pauvreté. Il s’agit surtout, durant les XVIIIe et XVIIIe siècles d’encadrer les pauvres, y compris par l’enfermement hospitalier.
Cependant, les idées et pratiques de Turgot et Necker au XVIIIe siècle, vont plus loin : Necker soutient que la société à une obligation morale envers la misère, Turgot se contente de défendre l’idée d’une intervention de l’État en s’inspirant des ateliers de charité expérimentés au XVIe siècle. Comme intendant du Limousin, il tente de recréer ces ateliers de charité (alimentés par les subventions publiques et les produits d’un travail volontaire des bénéficiaires) pour les substituer aux dépôts de mendicités (relevant d’une logique d’enfermement). Il crée, d’abord dans le Limousin, puis au plan national lorsqu’il accède au pouvoir, des « bureaux de charité » chargés de distribuer méthodiquement des secours à domicile en fonction des besoins.
Il faut ajouter à cela le rôle de l’État en matière de secours extraordinaires lors d’événements dramatiques (incendies, inondations...), la distribution de boîtes de remèdes dans les campagnes, la lutte contre les épidémies confiées aux intendants, la formation sanitaire et médicale (création de la Société royale de médecine en 1776), etc.
Certes, la part des fonds publics consacrée à ces formes archaïques de protection sociale sont infinitésimaux (1 à 2 % des finances publiques, en ordre de grandeur) mais les idées et les pratiques marquent la culture politique de la fin du XVIIIe siècle et imprègne les débats politiques durant la Révolution française.
Jérôme VALLUY‚ « Segment - Une culture interventionniste héritée de l’Ancien Régime »‚ in Transformations des États démocratiques industrialisés - TEDI - Version au 9 mars 2023‚ identifiant de la publication au format Web : 102